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MONOGRAPHIES du Musée des Gueules Rouges

 

Mineurs venus d'ailleurs

prix 10,00 €


Œuvre de Christian Nironi
Texte de Frédérique Guétat-Liviani
Recherches historiques Ève Bouzeret

isbn 978-2-910-775-57-5
21 cm x 21 cm


en partenariat avec le Musée des Gueules Rouges

Les Piémontais arrivent ce sont eux les premiers.
Les Sardes viennent les Siciliens.
Les Ligures les Lombards les Toscans les Calabrais.
Puis c’est le tour des Espagnols des Polonais des Grecs des Yougoslaves.
Des Belges des Allemands des Russes des Anglais des Irlandais. Des Tchèques des Turcs des Égyptiens.
Les Algériens viendront plus tard. Après la deuxième Guerre.
Les Français il y en a aussi.
Orphelins d’une terre qui ne les nourrit pas.
Les mineurs parlent tous d’étranges langues.
Elles échappent aux chefs.
Dès qu’ils trouvent un moment ils les enterrent de peur qu’avec eux elles s’égarent.
Ils font ça dans la descente au fond il faut être deux.
C’est le règlement. Avec le co-équipier on échange des mots. On prend un peu des siens on lui donne des nôtres. Ceux qu’on oublie ils reviennent quand on creuse. Sous l’Italien on repêche le Sarde. Sous le Castillan le Catalan sous le Français la langue d’Oc.
Il ne faut pas avoir peur de racler la gorge. Des tas de mots se déposent au carré commun.
Les langues laissées pour mortes s’accrochent refusent l’obéissance.
Pourtant les enfants doivent aller à l’école. C’est obligatoire. En classe ils apprennent la langue du commandement. Dorénavant il ne faudra plus compter ou fredonner en public.
Le soir les mères parlent l’autre langue.
Celle des pères est inouïe. Muette hors du tunnel.
C’est à treize ans qu’on l’apprend. Quand on descend. Les mines ferment les usines et les vieilles langues se taisent. À leur place il y a des musées.
Les pères ne sont pas mécontents de retourner sous terre. Pour retrouver les os de la langue enfouie.
Heureux aussi de pouvoir chanter à tue-tête :
La luna è una ruota gialla cade in mare e resta a galla gettano le reti i pescatori noi siamo dentro e tu sei fuori
Comment ça fait les cris dans le noir ?
Comment ça ricoche au fond ?
Maintenant la bauxite c’est ailleurs que les pauvres l’extraient.
Quelle langue omise les accompagne dans la descente ?


Frédérique GUÉTAT-LIVIANI